La Nouvelle République du Centre-Ouest
Jeudi 30 Aout 1990
Les atouts du maître Kazanlar
Réunir l’histoire de l’humanité, des religions et des philosophies en vingt-deux cartes. Un peintre hongrois abat ses tarots magiques.
Parmi les vingt-deux atouts du tarot, figurent le pape et la papesse, l’empereur et l’impératrice, la justice, la roue de la fortune, la force, le pendu, la mort, le diable, la foudre, l’étoile, la lune, le soleil, le jugement. Le monde. Beaucoup pour un „simple” jeu!
Tarot? Nom italien du XV siécle (tarocco) mais à l’orogine incertaine: est-ce „tora” (la loi juive) ou „rota” (la route de l’éternel devenir)?
Pour cinq petites lettres, tout déjà s’embrouille. Et dire qu’un jeu compte soixantedix-huit cartes!
Emile Kazanlar apprécie la difficulté au mérite de la vaincre. Et comme le tarot n’est pas avare de symboles, ce docteur en histoire et en philosophie joue l’ésotérisme gagnant à cinq contre un.
Prend-il finalement un risque, cet Iranien de 51 ans, de père perse et de mère hongroise, qui fit ses études élémentaires dans un collège de bénédictins franҫais à Téhéran avant d’étudier au lycée Razi au côté d’une jeune fille appelée Farah Diba qui allait devenir la troisième épouse du chah.
Tout dans la vie de ce surdoué (qui fonda à 16 ans le Théâtre national de marionnettes iranien) est fait de quêtes et d’approfondissements. Primé à 15 ans par une revue hindoue (compétition internationale de peintures d’enfants), il suit l’Ecole des beaux-arts à Téhéran, tout en enseignant l’art des marionnettes. Il étudie les miniatures persanes et médiévales auprès des maîtres tout en animant une émission à la tèlèvision iranienne.
Ce qui lui fait dire aujourd’hui: „J’ai toujours un peu enseigné là oû j’ai appris”.
Neuf langues
A l’âge de 20 ans, Kazanlar partit rejoindre son grand-père en Hongrie et se consacrer au Théâtre national de marionnettes… cette fois de Budapest. L’occasion pour le jeune homme d’étudier la peinture de décors et la confection de poupées, puis de se faire connaître auprès de l’université: licence de franҫais et d’espagnol par ci, thèse sur le théâtre comparé de Molière et espagnol par là, doctorat d’histoire de la philosophie (sur la vie et l’œuvre d’Helvetius)…
Kazanlar pratique alors neuf langues et comprend, accesosoirement, le turc et le néerlandais. Il peuit se permettre de remplir les fonctions de traducteurs au Parlement de Hongrie, place qu’ll doit quitter pour avoir refusé d’adhérer au parti communiste et d’ajurer sa foi.
Il se convertit… dans le tourisme, mais doit également quitter la société qui l’emploie pour raisons politiques.
Depuis 1986, Kazanlar vit de sa peinture, élève sa fille de 12 ans „à la franҫaise” à Budapest. En partie, parce qu’il a fait la connaissance en 1980, alors qu’il occupait le rang de maître de cérémonie des confréries bacchiques hongroises, de la famille Arnoux: Louis, le père, peintre, et Franҫoise, la fille, membre des Engoulfées et Taste Miot et propriétaire de la galerie d’art à Crissay-sur-Manse.
D’oû la présence exceptionnelle de ce peintre ésotérique hongrois dans la petite commune du Bouchardais, Kazanlar exposant à cette occasion pour la première fois à l’étranger.
„Eveiller la criosité”
L’imagerie calligraphique occultiste au travers du tarot.
„Je voulais éveiller la curiosité et L’envie d’ouvrir un livre sur le tarot. Savez-vous que le symbolisme ésotérique était très apprécié sous la Renaissance et que chaque château de la Loire poosédait son jeu de tarot? Avez-vous pensé à Rabelais, à la Devinière, à la Dive Bouteille? Ces termes choisis ne vous étonnent-ils pas?”
Touché. Nous vivons tous entourés de mystères et de signes, de messages codés qui, pour Kazanlar, prennent l’allure de figurines,d’animaux, d’objets et de couleurs. Sur un fond d’icône, le créateur a appliqué des laques, des gouaches ajoutant même des détails à l’huile, itlisant jusqu’aux nervures de la planche qui lui sert de support. Depuis 1973, il représente ainsi la Genèse et les Alphabets, l’empreinte des civilisations, des croyances et des dogmes. Les vingt-deux lames rapportent, suggèrent mais préfigurent aussi voire annoncent.
Humm… il n’a pas osé tirer les cartes au journaliste. Probablement qu’ilignorait si le quidam allait lul faire un bon „papier”…
Daniel Dartigues
L’exposition est visible jusqu’au 15 septembre à la galerie de Crissay-sur-Manse, rue Haute.